florentins et siciliens (Antonello da Messine). Des voix s’élèvent pour réclamer une modification des modes de scrutin13. Dans les dernières années du xve siècle enfin, lorsqu’il est désormais avéré que sa politique de conquête en terre ferme a fait d’elle une puissance italienne à part entière, elle réalise une ouverture à l’italianité, qui trouve également son expression dans le domaine artistique. une victoire franco-vénitienne à Marignan en 1515. Une certaine suspicion est même perceptible à l’égard d’Andrea Gritti, au sein du Grand Conseil, comme en témoigne ce mot d’un patricien lancé après l’élection, en séance plénière : « je ne veux pas d’un tyran pour doge »17. Venise devient une cité Etat donc très riche. 50 Sur l’iconographie officielle à Venise, on peut citer notamment Edward Muir, « Images of power : art and pageantry in Renaissance Venice », The American Historical Review, vol. Venise montre qu’elle est l’égale de Constantinople en dignité. Le choix des Vénitiens se porte toujours sur un homme d’expérience, doté d’une solide connaissance des affaires publiques ; c’est d’ailleurs pourquoi il est amené à exercer une réelle influence sur les conseils. En ce xvie siècle avançant, un autre aspect propre à la peinture vénitienne s’impose peu à peu : il est accordé désormais une certaine préférence, voire une réelle primauté à une veine puissamment allégorique. C’est à Florence que l’on peut en trouver les premières traces, au xve siècle, même si le « gouvernement » des Médicis a aussi ses propres particularités22. 8En 1521, à la mort de Leonardo Loredan, le collège électoral qui doit élire son successeur, est difficile à mettre en place. 17L’art renaissant fait la part belle au portrait. Le Titien, Véronèse, Tintoret, Tiepolo, Canova…− et que la ville devient une Il est proposé alors de rendre les termes de la Promissio Domini Ducis plus contraignants11. Sanudo fait remarquer qu’à l’annonce de cette nouvelle, une fête est organisée dans la résidence de l’ambassadeur du roi de France ; le nouveau doge est connu, en effet, pour ses sentiments pro-français. Or la Sérénissime, tout comme Rome d’ailleurs, a été épargnée par la main impériale et a conservé son indépendance et intégrité territoriale. Au oligarchique. Dans le but d’éviter un gouvernement seigneurial, un certain nombre de conseils de type communal sont créés, pour entourer le doge et « corriger » ainsi toute forme de pouvoir personnel. Les mosaïques sur fond d’or sont Il suffit de citer, pour s’en convaincre, les œuvres de Gentile Bellini et de Vittore Carpaccio, les deux artistes qui dominent la peinture vénitienne à la fin du xve siècle. L’emplacement de Venise en Ils échangent pricncipallement de l'or , de la soie, des épices, du cotons, des esclaves avec les villes de Constantinople, Alexandrie, Alger, Grenade et beaucoup d'autre encore, Venise se met donc en " Aliance " avecd'autres pays pour approfondir et favoriser son commerce. Le doge défunt, en effet, est accusé d’avoir outrepassé ses droits, dans sa pratique gouvernementale, et d’avoir fait preuve de « toute-puissance »9. Il nous faut, pour ce faire, nous pencher sur le contexte politique italien et européen, lourd d’enjeux et de rivalités, sur lesquels agissent de nombreux acteurs ambitieux et puissants. Rome et de Saint Pierre. Tuileries, au sommet de l’Arc du carrousel. Napoléon Bonaparte en 1797 lors de sa campagne d’Italie. 4La vie politique de la Sérénissime République est caractérisée par un fonctionnement complexe où la collégialité patricienne fait office de principe établi et imprescriptible. Maître de conférences HC à l’université de Nice-Côte d’azur, membre du CMMC, Jean-Pierre Pantalacci est titulaire de l’agrégation d’Italien et d’un DEA d’études juridiques en droit public et européen. 7Pourtant, à la même époque et à la faveur de l’élection d’un nouveau doge, l’on voit resurgir derechef craintes et suspicions, et la volonté d’accroître plus encore vigilance et contrôle. Tous deux participent, en effet, à la réalisation d’un grand projet iconographique pour la Scuola di San Giovanni Evangelista, qui a pour nom le « cycle de la Croix ». Cette iconographie est d’ailleurs relayée par la symbolique architecturale, à travers les nombreuses réalisations de cette époque, parmi lesquelles on peut citer l’escalier dit « des Géants », à l’entrée du palais ducal, et en haut duquel est prononcée la Promissio Domini Ducis. Venise, il est vrai, une fois de plus, connaît une situation singulière. inspirées des techniques, de l’iconographie et du style des décors de L’historiographie s’accorde, d’ailleurs, à louer la bonne tenue, la cohérence et l’efficacité de ses institutions, durant la crise de Cambrai. Un incendie détruit la basilique originelle qui est rebâtie Le risque d’un complot de type seigneurial est toujours présent, favorisé par les événements. Cette question trouve toute sa pertinence, au tournant des xve et xvie siècles, dans le contexte mouvementé créé par le conflit qui oppose le royaume de France et l’Empire. Constantinople, et enrichit son patrimoine mobilier de façon considérable. L’emplacement de Venise en Méditerranée est d’une importance primordiale dans son histoire et dans la construction de son identité. Sa réflexion comme ses propositions s’inscrivent, du reste, dans une longue tradition qu’elles ne démentent : celle de la figure dantesque du « Veltre », identifié comme le seul capable de sauver l’Italie de ses maux20. à travers personnages, lieux du pouvoir, cérémonies officielles, Venise se met en scène dans l’iconographie. Et l’on ne saurait passer sous silence non plus le péril turc, qui se confond avec la figure tutélaire et menaçante du sultan. Elles ont également eu des répercussions pratiques au niveau institutionnel, avec la création d’un tribunal spécial, le célèbre Conseil des Dix. VENISE ET LA Méditerranée M aurice Aymard L’EUROPE, VENISE ET LA MÉDITERRANÉE Impossible d’être indifférent à Venise. La dernière phase de la réalisation de la Pala d’Oro est commandée 25Cependant, si l’iconographie du xvie siècle, même dans son évolution la plus aboutie, continue de respecter scrupuleusement les fondements et mécanismes institutionnels, elle est en revanche bien trompeuse à d’autres égards. Citons aussi le portrait de son fils César, œuvre d’Altobello Melone, vers 1513, musée de Bergame, Portrait de gentilhomme, appelé aussi Portrait de César Borgia. Au plan économique et politique, Venise est en déclin Au plan artistique Venise brille de mille feux Au XVIII ème siècle, la mode est au voyage, artistes et aristocrates effectuent leur Grand Tour. 20Dans le courant du xvie siècle, pourtant, on perçoit une première évolution sensible. Voir Marino Sanudo, I Diarii…, ibid., p. 395. A partir du IXème siècle cependant, les ducs s'émancipent peu à peu de la tutelle byzantine et deviennent des souverains de fait. Ces mesures mettent en place une véritable vigilance, dont le pouvoir ducal est l’objet ; elles ont pour finalité d’éviter tout risque de complots ou de coups d’état, de la part de celui qui reste officiellement le premier personnage de la République, mais qui n’assume qu’un rôle de Grand Sage. ), t. 1, Milan, Electa, 1992, p. 149-196. 14Auprès des patriciens vénitiens pourtant, la réaction est bien différente. Elle 41 Odessa, musée d’art occidental et oriental. Le doge (duc en dialecte vénitien) était à l'origine nommé par l'empereur byzantin. La réception des ambassadeurs vénitiens à Damas, Cycle de la Passion du Christ à Saint-Marc, Copyright Qantara 2008 © tous droits réservés. Les exemples foisonnent dans les salles du Palais ducal. Les deux dates indiquées ci-dessus correspondent, du reste, chacune, au début de leur règne. Voir les réponses. 22 à Florence, en effet, tout au long du xve siècle, les Médicis ne sont officiellement que de simples citoyens ; ils s’attachent à respecter la vitrine institutionnelle républicaine. Venise doit faire face, elle aussi, aux nouveaux défis apparus sur la scène européenne et tenter de réagir, confrontée comme elle l’est aux nouveaux équilibres qui se dessinent. De même, les travaux du palais sont réalisés en grande partie par Il est vrai qu’à partir de 1530, un nouvel équilibre se dessine en Italie et il ne fait plus de doute que la victoire de Charles Quint est, à cette date, acquise. Sans doute considère-t-on à Venise que le risque d’un complot ou coup d’état de type seigneurial s’est peu à peu éloigné. Au début du IXe siècle, le doge d’Orient sera le couronnement de Venise, la Sérénissime. Les cours princières vont habilement en faire une exploitation politique ; les portraits officiels des souverains se multiplient alors, proposant de ces derniers une représentation en majesté. l’église de l’État. Le territoire de la république dans la péninsule s'étendait jusqu'au lac de Garde, le fleuve Adda et même Ravenne, qui lui permettait d'influencer la politique des villes de la Romagne, par exemple en soutenant, en 1466, la prise de pouvoirs de Pino III Ordelaffi à Forlì, ville sur laquelle Venise ne réussit jamais à avoir un contrôle direct. semble évident que les artistes vénitiens ont reçu l’héritage de ce savoir à Au terme de ces premières évolutions, la position du doge est affaiblie puisqu’il est progressivement placé sous le contrôle étroit des différents conseils. En 1177, Venise prouva sa première place en matières d'affaires internationales en servant d'intermédiaire pour signer la paix entre Frédéric Barberousse et le pape Alexandre III. Les portraits de Sixte IV, peint par Melozzo da Forli’, en 147724, et d’Alexandre VI Borgia, peint par Pinturicchio, dans les années 1492-149425, confiés aux plus grands peintres du moment, attestent bien de cette autorité retrouvée des papes. C’est une déclaration d’indépendance religieuse et par Vasco de Gama (1498) ouvrent d’autres voies commerciales et maritimes. Les portraits de Charles Quint sont nombreux, notamment ceux dont il confie la réalisation au Titien29. Bientôt ce sont les grands monarques européens qui vont faire appel aux artistes les plus en vue de cette époque, pour leur demander de représenter leur majesté souveraine. Dans le même temps, Venise était en train de devenir la rivale de Constantinople, son ancienne protectrice ! Cliquer pour agrandir Lorsqu’elle se tourne vers l’Europe, à partir du xiie siècle, Venise adopte alors dans ses édifices comme dans sa peinture, le style gothique qui s’est imposé sur le continent. arabe, 2006), Paris, Institut du monde arabe/Gallimard, 2006. Le sel Après 1204, la cité qui prend pied en Grèce continentale, dans le Péloponnèse, en Crète et à Chypre (XVe siècle), assure l’accès aux produits asiatiques, la sécurité de ses échanges et son hégémonie en Méditerranée orientale. Bien qu’ayant échoué, ces tentatives ont considérablement marqué la conscience collective. à travers personnages, lieux du pouvoir, cérémonies officielles, Venise se met en scène dans l’iconographie. 53 Venise, Palais des doges, Liago (entrée de la salle du Grand Conseil). Rappelons qu’en 1494, les armées de Charles VIII chassent les Médicis de Florence et que s’ouvre alors pour la cité une longue période d’incertitudes et de revirements, qui ne s’achèvera qu’en 1530, par l’instauration d’un duché médicéen. symbole les fameux chevaux de bronze antiques pris à Constantinople et